Poésie attentive

 

 

 

Disons que le point commun de ces chansons est un ton sérieux dans une forme poétisante. Mais promis, elles sont quand même attractives et, pour le coup, elles ont quelque chose à dire !

 

Je vous convie d'un mot

 

Je me suis édifié dans son doux réconfort,
Celui dont mes parents savaient envelopper
Mes culbutes d’enfant, mes chagrins, mes efforts,
Mes questions délicates qui pouvaient gêner.

Je l’ai lu dans les yeux d’excellents professeurs
Qui, malgré nos erreurs, essaims d’ados distraits,
Malgré nos insolences, prenaient tant à cœur
De révéler le sens de notre humanité.

Je la quête toujours, débordant d’allégresse,
Dans les bras apaisants que me tend mon amour
Et je ressens alors en conscience et tendresse
La chaude certitude d’aimer à mon tour.

 

Je l’ai trouvé, merci, chez de nombreux amis
Ceux qui, quoiqu’il en soit, se gardent de juger,
Mais plutôt vous secouent avec diplomatie
Puis vous sautent au cou, ravis d’avoir aidé.

 

D’en avoir tant reçu, je la veux adopter
Comme mienne vertu, et vous la proposer.
Je serai généreux, de grâce, prenez-la,
Je n’en attends pas plus, le plaisir est pour moi.

Aussi,
À vous,
À qui que vous soyez,
Et tantôt m’écoutez,
Je vous convie d’un mot,
Ce que je souhaite pour moi,
Ce que j’espère pour vous,
Ce que j’offre en confiance :

 

La BIENVEILLANCE



Les nageurs

Chanson membre d'un triathlon improbable avec Jogging et Tandem.

 

Les nageurs font des longueurs
Selon un rythme assujetti
Aux instructions du maître-hurleur
Qui a omis d’être poli

Tous ces gens qui crawlent en chœur
En ligne, en long, oblong ennui
Répètent le même circuit moteur
Selon quelle aqueuse énergie
L’entrain d’un bateau à vapeur
Dans un panache de chlore en pluie
Englue ces poissons amateurs
Quand donc leur pousseront des branchies ?

Innocemment dans la largeur
Les gosses expriment leur fantaisie
Bousculent bassin et baigneurs
De jeux d’eau et de joyeux cris

 

A croiser longueur et largeur
Les enfants frisent le conflit
Interrompu dans leur labeur
Les nageurs râlent d’être ralentis
Pfuii un coup de sifflet rageur
Priorité pour les nantis
Le droit ch’min a ses défenseurs 
Les jeunes, remballez vos tapis

 

Un intrus joue la profondeur
C’est celui-là que j’applaudis
Au fond filant frayant fugueur
Il fuit la foule des ahuris

 

Attention prends garde plongeur
Ton apnée n’a qu’un temps béni
Faudra choisir ton camp, rêveur
La surface ou le paradis  
A jouer les sous-marins croiseurs
Il te manque la périscopie
Tu risques alors un coup d’flotteur
D’un sportif ou d’une p’tite mamie

La piscine : un révélateur
Un précipité de la vie


(Maquette avec Fidius Grimbeur)


Et le monde aujourd'hui

 

Et le monde aujourd'hui
Revêt sa jupe d’océan
Cache la lune sous son lit
Et prend sa béquille de bois
Ornée d’ivoire d’éléphant
Il nage dans la soie

Et le monde aujourd'hui
Met ses fourrures de renard
Plaque la bise sous le gui
Éructe d'un geyser fendard
Tempête dans un verre d’eau
Chuchote aux corbeaux

Et le monde aujourd'hui
Rehausse le bleu de ses cieux
Épile ses fourrés de buis
Se mire au creux d’étangs miroirs
Trémousse ses volcans de feu
Laisse ses cendres choir

Et le monde aujourd'hui
Vibre d'un bruit de fond criard
Tremble quand ses failles coulissent
Submerge ses chenaux hagards
Boutent ses monstres des abysses
Des moindres interstices

Et le monde aujourd’hui
Se caramèle la pilule
Au vent solaire de midi
Des frisotis de canicule
Extravaguent sa mise en pli
De nuages aigris

 

Et le monde aujourd’hui
Se parfume aux hydrocarbures
A des symptômes asthmatiques
Dégorge son cocktail chimique
Dans un tourbillon de sulfures
D’oxydes carboniques

Et le monde aujourd’hui
Panse ses lésions atomiques
Soigne d'empoisonnées blessures
Des sècheresses aux entournures
Des infections endémiques
Qui gâtent sa nature

Et le monde aujourd’hui
Se gratte sous les parasites
Qui lui pestifèrent la peau
Qui le minent le trouent le mitent
Le corrode jusqu’au noyau
L’estourbit le délite

Et le monde aujourd’hui
Cuit à la cocotte-minute
Quitte à attendre l’agonie
Le monde dit : c’tte fois je lutte
Le monde dit : je vous honnis
Le monde dit : fini !



Un escalier

Le point de départ de cette chanson est l'étrange escalier et la légende qui  l'accompagne de la Chapelle Loretto de Sante Fe (Mexique).

 

J’ai bien quelques scrupules
A te sacrifier
Mais je ne peux grimper
Depuis les monticules
Je t’ai fait élaguer
Tronçonner puis scier
Jusqu’à t’avoir en planche
Et dans les veines blanches
De ton bois si charnel
Je sais qu’enfin le ciel
Est à portée de main

Coupe rabote entaille
Polis vernis caresse
Cintre contraint retaille
Cheville ajuste dresse

 

Premières esquisses
Structure en double hélice
Ce s’rait pousser le vice
Tu seras donc à vis
Pour pénétrer là-haut
Virevoltant crescendo
Une à une les marches
Donneront forme à l’arche
Que je pense élever
Dessus les contingences
Et je cloue en cadence

Refrain

 
Comment garder du vide
Mon frêle hélicoïde
Des garde-fous solides
Le renfort des éclisses
Toujours plus haut je hisse
Le fruit de mon labeur
Dans un dernier élan
A l’ultime palier
Crevant le firmament
Je vaincs la gravité
Avec mon escalier



Sur le quai

 

Le pas folâtre sur le quai
D’une rivière de ville fameuse
A moins qu’elle ne soit fumeuse
Ou bien les 2, qui sait ?

Dans les boites des bouquinistes
Un passant passionné insiste
Depuis le temps qu’il cherche un livre
Sans doute sa quête l’enivre
Quand la poussière des bouquins
Exhale son passé lointain

Le pas concentré sur le quai
D’une rivière de ville curieuse
A moins qu’elle ne soit studieuse
Ou bien les 2, qui sait ?

Entre 2 péniches se nichent
Un pêcheur et sa canne fétiche
Plongé dans sa méditation
Franch’ment pas l’ombre d’un poisson
Le flot sombre des eaux usées
Est depuis longtemps déserté

Le pas recueilli sur le quai
D’une rivière de ville rêveuse
A moins qu’elle ne soit boueuse
Ou bien les 2, qui sait ?

 

Les badauds badinent un brin
Lorgnant mi-envieux mi-taquin
Le banc de la belle insouciance
Deux bécoteurs entrent en transe
Les lèvres gorgées de mots doux
Et court ainsi le guilledou

Le pas frivole sur le quai
D’une rivière de ville rieuse
A moins qu’elle ne soit fougueuse
Ou bien les 2, qui sait ?

Le pavé mène sous le pont
Dans les roucoul’ments des pigeons
Domaine des déshérités
De ceux qui vienn’nt se soulager
Un peu comme l’envers du décor
Les épaves échouées au bord

Le pas dépité sur un quai
D’une rivière de ville miteuse
A moins qu’elle ne soit pisseuse
Ou bien les 2, qui sait ?

Le banc, la canne, le pont, les quais
Le paysage quotidien
Le pas qui se fait indistinct
Il est temps de bifurquer…



Pour respirer

 

Pour respirer
Sortir les branchies de la soupe
Tortiller large de la croupe
Défroncer au vent la narine
Toucher le fond de la piscine
Craquer la porte de l’armoire
Cracher sa bile en un mouchoir
Ouvrir le bec à la becquée
Avaler à grande goulée
Pour respirer

Pour s’éveiller
Lamper l’aurore dans la coupe
Offrir son âme à la découpe
Écorcher le voile des rêves
Viser l’issue à marche ou crève
Musarder au chant des roseaux
Défriper son bout de museau
Lever une paupière enflée
Capter à main nue la clarté
Pour s’éveiller

 

Pour s’échapper
Décaler le pas de la troupe
Mettre à l’eau vite la chaloupe
Allumer un pétard mastoc
Porter soudain le coup d’estoc
Fondre son être dans l'esprit
Battre les cartes par magie
Forger une clé dans l’acier
Trouver un âne à chevaucher
Pour s’échapper

Pour s’envoler
Dérouler les cheveux en houppe
Rouler son corps au hulahoop
Défier le bord de l’horizon
Vêtir une combinaison
Héler le génie de la lampe
Aller dans l’élan sur la rampe
Débroussailler la canopée
Déployer son karma ailé
Pour s’envoler